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Le Point.fr - Publié le 31/07/2012 à 13:25 - Modifié le 31/07/2012 à 14:06

Les combattants d'Ansar Dine ont lapidé un couple de Maliens d'Aguelhok, accusé d'avoir eu des enfants hors mariage.

Les Touareg islamistes d'Ansar Dine se préparent à prier dans le désert, à l'extérieur de Gao.

Les Touareg islamistes d'Ansar Dine se préparent à prier dans le désert, à l'extérieur de Gao. © Diakaridia Dembele / Sipa

Le Mali du Nord sombre inexorablement dans l'horreur. Après avoir flagellé le mois dernier un jeune couple non marié, les islamistes touareg d'Ansar Dine repoussent leurs propres limites. Dimanche, les "défenseurs de la religion", qui affirment vouloir imposer la charia dans tout le Mali, ont lapidé un autre couple, accusé d'avoir eu des enfants hors mariage. Armés de kalachnikovs, les combattants barbus sont allés chercher les deux jeunes gens dans la brousse où ils vivaient, à une vingtaine de kilomètres de la ville d'Aguelhok. 

Après les avoir conduits au centre de la cité, ils les ont enterrés jusqu'à la tête, dans deux trous distincts d'environ 1,20 m. Puis les jets de pierre ont commencé. "Dès les premiers coups, la femme s'est évanouie", raconte un élu de la ville à l'AFP. De son côté, l'homme aurait "crié une fois", avant de se taire à jamais. "C'était horrible", se souvient un autre responsable, interrogé par le New York Times, qui a assisté à l'exécution. "Ils les ont tués comme des animaux." Pour se justifier, le porte-parole d'Ansar Dine a expliqué que "ces deux personnes étaient mariées et entretenaient malgré tout des relations extraconjugales. Nos hommes sur le terrain ont donc appliqué la charia", a déclaré Sand Ould Bounama à Reuters.

Invité à participer

"S'ils sont tous deux morts sur le coup, ils avaient eux-mêmes appelé à l'application de cette tendance", a-t-il ajouté, avant de conclure : "Nous n'avons à répondre à personne sur l'application de la charia." Pourtant, d'après le responsable interrogé par le New York Times, le jeune couple a protesté contre l'exécution, affirmant que les enfants - dont le plus jeune a six mois - n'étaient pas d'eux. Mais rien n'y a fait. Leur bourreau a souligné que les deux jeunes gens s'étaient rendus coupables d'un crime sérieux, et que celui-ci méritait d'être puni.

La scène d'horreur s'est déroulée devant quelque 200 personnes. D'après un témoin, interrogé par Radio France International, les populations ont été sommées par les islamistes d'assister à la mise à mort. Certains habitants auraient même été invités à y participer, mais, sous le choc, ils auraient refusé. Il faut dire qu'ils n'avaient jamais vu un tel "spectacle". Majoritairement musulman, le Mali n'en reste pas moins un pays laïque. Mais le coup d'État militaire du 22 mars dernier a changé la donne. Affaibli par la chute du président Amadou Toumani Touré, le pouvoir n'a rien pu faire contre les assauts des groupes touareg dans le Nord. 

Terreur dans le Nord

Associés contre l'armée malienne, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), un groupe touareg musulman - mais laïque - qui lutte depuis cinquante ans pour arracher à Bamako l'indépendance du Nord, et les Touareg islamistes d'Ansar Dine (défenseur de l'islam, en arabe, NDLR)se sont emparés de Tombouctou, Gao et Kidal, les trois grandes villes du Nord. Mais fort du soutien financier et armé apporté par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine a peu à peu évincé les Touareg laïques du MNLA. À Gao, un autre groupe islamiste armé, le Mouvement pour l'unité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) s'est allié à lui. Depuis, les deux groupes font régner la terreur dans le nord du pays.

Le 14 juin, les combattants du Mujao brûlent des cartouches de cigarettes et fouettent des fumeurs à Bourem. Le 20 juin, ce sont les partisans d'Ansar Dine qui appliquent cent coups de fouet à un couple non marié à Tombouctou, en pleine place publique, avant de le forcer à s'unir. Le 16 juillet dernier, c'est au tour d'un autre habitant de Tombouctou d'être flagellé (40 fois) pour avoir bu de l'alcool. Pendant ce temps, Ansar Dine a démoli la majorité des mausolées des saints musulmans de Tombouctou, estimant qu'ils n'étaient pas conformes à la charia.

Contestation larvée

Cette recrudescence de la violence aurait déjà provoqué la fuite d'environ 300 000 Nord-Maliens. Et après la lapidation de dimanche, la majorité des 2 000 habitants d'Alguelhok se seraient réfugiés enAlgérie. "Cette lapidation répond à une stratégie d'application graduelle de la charia", explique au Point.fr Serge Daniel*, correspondant de l'AFP au Mali. "En agissant ainsi, les islamistes veulent faire parler d'eux et ainsi mettre en garde la population contre les tentatives de contestation." En effet, une vague populaire de résistance est née ces dernières semaines dans le Nord, s'élevant contre les tentatives d'islamisation forcée du pays.

De retour de Gao, Serge Daniel évoque des manifestations, ainsi que des distributions de tracts, mais aussi des populations continuant à regarder la télévision et à fumer, ultime pied de nez infligé aux islamistes. Ces derniers se prépareraient à accueillir une délégation du Haut Conseil islamique, chargé d'entamer avec eux des négociations pour trouver une issue à la crise. Dans ce cadre politique, la lapidation prend un tout autre sens. "Cette exécution est une victoire de l'aile dure d'Ansar Dine vis-à-vis de l'aile modérée, chargée de négocier", estime Serge Daniel. 

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Par 

(*) Serge Daniel, auteur de Aqmi, l'industrie de l'enlèvement (éditions Fayard)

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Tag(s) : #charia violence de l'islam
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