CHAPITRE VI
La politique, puissant instrument pour
la Franc-Maçonnerie.
Comme nous le verrons dans le chapitre sui-
vant, le caractère politique et antisocial de la Franc-
Maçonnerie n'est pas moins démontré que son ca-
ractère impie et antichrétien. Mais là encore elle
use de la prudence du serpent pour tromper les
simples : elle affirme qu'elle ne se mele pas de
politique, qu'elle respecte toutes les opinions poli-
tiques, qu'en cela, pleine liberté est laissée à
chacun de ses membres. Au besoin, elle fait même
imprimer dans ses statuts, qu'on s'engage à ne
jamais parler, clans les Loges, d'aucune question
politique.
Or, un historien qui connaît parfaitemcnt la Ma-
çonncrie, a dit qu'elle a été le laboratoire de la
Révolution. lùlmond Aboul, rédacteur de l'Opi-
nion nationale, a écrit, dans son journal, que la
Maçonnerie, depuis 1728, c'est-à-dire depuis son
organisation, jusqu'en 1789, n'a pas fait autre
chose que conspirer. « 11 importe, dit Louis Blanc,
68 LÀ FRANC-MAÇONNERIE
d'introduire le lecteur dans la mine que creusaient
alors sous les trônes, sous les autels, des révolu-
tionnaires bien autrement profonds et agissants
que les Encyclopédistes.... À la veille de la Ré-
volution française, la Franc-Maconuerie se trou-
"vail avoir pris un développement immense; répan-"
due dans l'Europe entière, elle secondait le génie
méditatif de l'Allemagne, agitait sourdement la
France»., «il présentait partout l'image d'une so-
ciété fondée sur les principes contraires à ceux
de la société civile Il plut à des souverains,
au grand Frédéric, de prendre la truelle et de
ceindre le tablier, pourquoi non? L'existence des
hauts grades leur étant soigneusement dérobée, ils
savaient seulement de la Franc-Maeonnerie ce
qu'on pouvait montrer sans péril Mais, en
"ces madères, la comédie touche au drame; et il "
arriva, par une juste et remarquable dispeiisalion
de la provideuce, que les orgueilleux contem-
pteurs du peuple furent amenés à couvrir de leur
nom, à servir aveuglément de leur iullueuce les
entreprises latentes dirigées contre eux-mêmes.»
Le journal Le Monda maçonnique, dans son
numéro de janvier-février 1882, a publié une
circulaire émanée de la Loge l'Amitié, dans
laquelle* on lit cet aveu : «La Franc- Maçonne-
rie, pendant le règne du despotisme et de la mo-
narchie, était obligée de comprimer ses élans vers
la liberté, d'abriter ses doctrines, ses tendances
philosophiques et sociales, sous le drapeau de la
ET LES MOYENS POUR ARRÊTER SES RAVAGES. 69
charité et de la bienfaisance, inscrivant dans ses
statuts et répétant sans cesse aux plus ardents
ces mots singuliers : Il est défendu de parler de
politique, comme si la politique n'était pas la base
nécessaire des questions sociales dont on nous
permet l'étude. »
Sans doute, la politique n'est pas le but final
de la Maçonnerie, mais elle est le plus puissant
moyen d'atteindre ce but, qui est la destruction de
l'Eglise et du Christianisme.
Aussi la Maçonnerie s'est toujours efforcée de s'emparer du pouvoir
politique, afin d'être plus à même de frapper
l'Eglise. La politique est pour elle ce qu'est une
puissante machine pour l'industriel. Le but de
"l'industi-iel, c'est le gain; le gain se réalise parla "
"vente des produits; les produits s'effectuent par "
la machine. Le but de la Maçonnerie, c'est l'a-
"théisme universel; l'athéisme s'inocule à la société "
par la loi athée et le gouvernement athée. L'athée
Frédéric de Prusse, écrivant à son ami Voltaire,
lui affirmait la nécessité de se faire du gouverne-
ment une machine pour la réalisation complète
des desseins de la Secte ténébreuse : « C'est à
Bayle, votre précurseur, et à vous sans doute que
la gloire est due de cette révolution qui se fait
dans les esprits. Mais, disons la vérité, elle n'est
"pas complète; les dévots ont leur parti, et jamais "
on ne l'achèvera que par une force majeure. C'est
du Gouvernement que doit partir la sentence qui
écrasera l'infâme. Des ministres éclairés pourront
70 LA FRANC-MAÇONNERIE
"y contribuer beaucoup mais faut ; il que la volonté "
du Souverain s 'y joigne. » (8 sept. I77o.) La
Maçonnerie envoie aux chambres ses membres
ou ses suppôts, qui fabriquent la loi athée, et elle
fait arriver aux charges de l 'Etal les hommes qui
appliqueront résolument la loi athée. C'est de la
politique habile, delà politique du puissant Pha-
raon qui disait aux Egyptiens : Opprimons avec
prudence le peuple des enfants d'Israëlaccahlons-
les de charges, et faisons servir leurs bras a hàtir
des vil/es*. Une fois au pouvoir, la Maçonnerie
peut, par le budget, prendre aux catholiques leur
argent dans leur poche et le faire servir à la réa-
lisation de ses projets. Elle fabrique des lois, s'a-
"brite derrière elles et. s'en fait une, arme (errible ; "
elle persécute les catholiques, au nom de celte
chose qui devrait toujours être si respectable et si
sacrée, la loi. Venez, dit-elle aux siens, accourez,
emparez-vous des dignités et des emplois, et
opprimons savamment le Christianisme : Yenite,
sapienter opprimamus eum, ne forte multipliée-
tm\ Faisons des lois pour éteindre ce qui fait Ja
force et la vit» des catholiques, la foi. *S7 masculus
fuerit, interfieite eum.
Aussi un grand politique, qui connaissait bien
la Franc-Maçonnerie, Disraeli, premier ministre
d'Angleterre, disait le 20 septembre 1870 : « Les
gouvernements de ce siècle n'ont pas alfaircscu-
1. Exode, chiip. I.
ET LES MOYENS POUR ARRÊTER SES RAVAGES. 71
lement aux gouvernements, empereurs, rois, et
ministres, mais encore aux sociétés secrètes, élé-
ments dont il faut tenir compte, qui, au dernier
moment peuvent mettre à néant tous les arran-
gements, qui ont des agents partout, des agents
sans scrupules, qui poussent à l'assassinat et peu-
vent, s'il le faut, amener un massacre. »
Mais les hommes qu'elle élève au pouvoir ne
sont, dans ses mains, que des instruments qu'elle
brise à son gré. Quand elle a obtenu de celui
qu'elle a fait puissant, les avantages qu'elle atten-
dait de lui, elle le renverse, si haut placé qu'il
soit, fût-il président de république, roi, empereur.
Elle le brise et le jette au rebut, sans s'inquiéter
des intérêts de la patrie, ni de la forme du gou-
vernement. Après l'attentat d'Hartmann contre
l'empereur de Russie, Alexandre II, Félix Pyat
er
écrivit de Londres, le 1 mars 1880, à Garibaldi
la lettre suivante :
« Mou vieil ami, le dernier attentat contre le
despote de toutes les Russies confirme votrephrase
légendaire :
a L'Internationale est le soleil de l'avenir.
« Depuis le premier roi jusqu'au dernier prési-
dent de la république bourgeoise, tous doivent
disparaître de gré ou de force.
<c Unissez votre voix à celle des socialistes fran-
çais pour protester contre l'extradition projetée de
notre vaillant ami Hartmann.
72 LA FRANC-MAÇONNERIE
« Le sol français doit être inviolable pour les
proscrits, qui, comme nous, veulent l'action
armée pour établir la République universelle,
démocratique et sociale. »
(iaribaldi répondit :
« Mon cher Pyat, vous êtes le héros populaire
des barricades parisiennes... Hartmann est un
vaillant jeune homme à qui tous les honnêtes
gens doivent estime et reconnaissance... L'assas-
sinat politique est le secret pour conduire à bon
port la Révolution... L'assassin estle prêtre exécré
qui assassine d'abord le progrès à l'aide du bûcher,
et assassine maintenant les consciences avec le
mensonge... C'est le prêtre qu'on doit déporter
en Sibérie, et non les compagnons d'Hart-
mann. »
. La Secte diabolique ne voit que son but infer-
nal, auquel elle sacrifie tout. Faire et défairelcs
dynasties et les gouvernements est pour elle un
er
jeu, comme la toile de Pénélope. Napoléon I ,
Louis-Philippe, Napoléon III, portés au pouvoir
par la Maçonnerie, en ont été renversés par elle.
C'est elle qui, depuis un siècle, a déchaîné sur
l'Europe le redoutable fléau de la guerre. Le pape
Léon XII le constatait déjà en 1825, dans sa cons-
titution Quo f/ravtoirij pour les guerres de la
République et de l'Empire, et annonçait en même
temps les nouveaux troubles et les nouvelles ré-
1
voltes que préparait la Franc-Maçonnerie . Senti-
nelle vigilante du camp d'Israël, il connaissait
parfaitement la stratégie de l'armée de Satan et
en suivait tous les mouvements. Pendant la Res-
tauration, la Secte se retira dans ses antres téné-
breux, et la société eut un moment de calme ;
mais c'était le calme qui précède la tempête. La
Franc-Maçonnerie préparait tout pour amener
de nouveaux bouleversements. Les princes s'en-
dormaient sur un volcan, qui allait bientôt faire
éruption, et ils ne voulaient pas qu'on troublât
leur sommeil. Le Saint-Siège ne se méprit point
sur les dangers de la situation de l'Europe déjà, dès :
le 4 janvier 1818, le cardinal Consalvi, secrétaire
d'Étatde Pie VII, écrivait au prince de Metternich :
« J'entretiens chaque jour les ambassadeurs de
l'Europe des dangers futurs que les sociétés secrè-
tes préparent à l'ordre à peine reconstitué, et je
m'aperçois qu'on ne me répond que par la plus
belle des indifférences. On s'imagine que le Saint-
Siège est trop prompt à prendre frayeur; l'on
s'étonne des avis que la prudence nous suggère. »
Deux ans après, l'héritier de la couronne de
I. < Judo vcro cxislit, quoi! tatito etiatu post tempore, quo
prhnuiu perduclliouis faces iu Europa a sectis clundcstiuis
per couscctancos suos inilauunaiuî et elatie sunt, et postrejior-
tatas a poteiilissimis Europoi priucipibus pnficlarissiuias Victo-
ria?, quibus ilhe couiprimeudiu spcrubautur, iiondum lauieu
nefarii earum eonutus fiuctn habueruut. lu illis euim ipsisre-
giombus. iu quibus pristhuc tempestates couquîevUse viden-
tur, qui nictus est novciruiu turbarum et seditiouuui quas ilhe
scctui perpetuo aiuliuntur! » § 8.
France était assassiné, et la révolution éclatait
en Piémont et en Espagne. Léon XII avertissait
à son tour les souverains et poussait le cri d'a-
"larme; mais les souverains n'entendirent pas sa "
parole, et dans cinq ans la Franc-Maçonnerie
avait tout prépare pour la révolution de Juil-
let 1S:U). Un maçon de la Loge des Triomphes
disait, après cette révolution : « :ne croyez pas
que trois jours aient tout fait. Si la révolution a
été si prompte, et si rapide, c'est qu'elle n'a pris
personne au dépourvu... Xoits avions une clef à
melfrr à la roule. »
Porté sur le troue par la Franc-Maçonnerie,
Louis-Philippe crut, connue plus tard Napo-
léon III, pouvoir l'apprivoiser et s'en faire un
appui, en secondant ses désirs et en la comblant
défaveurs. Les aveugles! on n'apprivoise pas le
"tigre, on le tue; ou bien, tout au moins, on renferme "
dans de solides barreaux de fer, et encore le
dompteur prudent, qui veut jouer avec le tigre
dans sa cage, a soin auparavant de lui couper les
grilles et de lui arracher les dents. Louis-Philippe
se mit donc sous la direction de Palmerston, qui
était reconnu extérieurement pour chef suprême
des sociétés secrètes, et favorisa les projets de la
Maçonnerie. Son gouvernement, comme celui des
autres puissances, poussa l'audace jusqu'à deman-
der, avec menace, au pape Grégoire XVI des
réformes que sa conscience ne pouvait accorder.
Mais quand Louis-PhiJippu refuse d'être en tout
l'instrument de la Maçonnerie, un grand convent
des maçons de la France, de l'Allemagne et de la
Suisse, se tient à Strasbourg en 1847, et la substi-
tution de la République à la Monarchie y est dé-
cidée. Le 24 février 18£8, la dvnastie d'Orléans
est congédiée tellement à l'improviste, qu'elle n'a
pas même le temps de prendre des habits et des
provisions de voyage. Le 10 mars, le suprême
Conseil du rite écossais va féliciter le Gouverne-
ment provisoire, et Lamartine, qui avait assisté
au convent de Strasbourg, lui répond : « Je suis
convaincu que c'est du fond de vos Loges que
sont émanés, d'abord dans l'ombre, puis dans
le demi-jour, et enfin en pleine lumière, les sen-
timents qui ont fini par faire la sublime explo-
sion dont nous avons été témoin, et dont le peu-
ple de Paris vient do donner au monde la seconde,
et j'espère, la dernière représentation, il y a peu
de jours. »
L'illustre poète a encore assez vécu depuis pour
reconnaître son illusion et constater que la Maçon-
nerie n avait pas clos la série de ses explosions
politiques. Tant qu'il y aura une institution de-
bout, tant qu'il restera un principe d'ordre à ren-
"verser, la Maçonnerie ne s'arrêtera pas; fille de "
Satan, qui a été homicide dès le commencement,
elle a hérité de son génie de la destruction, et il
faut qu'elle fasse le monde à l'image de la terre de
misères et de ténèbres, où règne l'ombre de la mort,
et où II n'y a aucun ordre, mais où habite une éter-
1
neile horreur. Son propre, à elle, est de marcher
de ruines en ruines, jusqu'à ce qu'elle ait tout
pulvérisé et réduit au néant. Notre grand Joseph
de Maistre, avec son regard d'aigle, avait saisi ce
caractère essentiel de la Secte satanique, et il
avait annoncé qu'elle devait, par ses évolutions
naturelles, aboutir au Monisme, c'est-à-dire, au
Nihilisme. Quand elle est arrivée à cette phase,
la Franc-Maçonnerie a atteint sa forme dernière,
et elle touche le fond des profondeurs de Satan.
Le lo mars 1818, Vienne est en combustion et
Mctternich renversé. Le 18 mars, barricades à Ber-
lin et explosion à Milan. Le 20, révolution à
Parme. Le 22, la République est proclamée à
Venise. Avant la lin du mois, Naples, Ja Toscane,
Rome, travaillées par lordMinlo, l'envoyé de Pal-
mcrston, ainsi que le Piémont avaient leurs con-
stitutions parlementaires, on attendant la répu-
blique de Rome avec Mazzini, de Florence avec
G uerrazzi. Le Piémont marchait contrel'Autriche :
« La révolution, dit Eckerl, agitait son poignard
2
sanglant et sa torche incendiaire . »
Après l'expédition romaine de 1849 et l'envoi
de la lettre de Napoléon à Edgard Ney, il se tint
à Paris un couvent de toutes les sociétés secrètes
"de l'Europe; et là fut adopté le plan de Palmcrs-"
ton sur la révolution italienne. Toutes les dynas-
ties de la péninsule devaient être renversées, le
\.JO/J, cli, X, 22.
1
2. Mb'* Fuvit, la Franc-Maçonnerie.
Pape lui-même devait être dépouillé de ses États,
et l'Italie entière ne devait plus faire qu'une mo-
narchie sous la maison de Savoie. Tous les mem-
bres présents au convent, à l'exception de trois
qui persistèrent à demander l'établissement d'une
république démocratique, votèrent la dictature de
l'Empire en France. Ils pensaient que, vu la si-
tuation dans laquelle se trouvait alors la France,
l'Empire faciliterait l'exécution du plan révolu-
tionnaire; mais, au préalable, ils firent promettre
à Louis-Napoléon de mettre au service de la Ma-
çonnerie toutes les forces de la France. La guerre
d'Italie et la guerre d'Allemagne ont été faites
pour réaliser ce plan, qui a fait couler des flots de
sang; le vide dans les familles, les larmes des "
pères et des mères, l'argent de la patrie dépensé,
tout cela, la Franc-Maçonnerie le compte pour
"rien; l'essentiel, la seule chose nécessaire au
monde est qu'elle réalise ses projets iniques.
Quand Palmerston mourut, l'unité de l'Alle-
magne était faite par la victoire de Sadovva, les
plus brutales invasions avaient renversé les mo-
narchies italiennes, et le Pape ne conservait qu'une
partie de ses Etats. Pour consommer l'unité ita-
lienne, la Maçonnerie n'avait plus besoin de
Louis-Napoléon, qui d'ailleurs ne se pressait pas
assez de porter le dernier coup au pouvoir tem-
porel du Pape et de faire régner la révolution à
Rome. Elle résolut donc de briser le bonapar-
tisme et de rejeter cet instrument usé, devenu
"inutile et encombrant; et le 28 novembre 1867, "
Mazzini écrivait à l'ambassadeur prussien à Flo-
rence « Je considère le bonapartisme comme un
danger permanent pour l'Europe... Contre ce
danger, il n'y a, à mon avis, qu'un seul moyen:
c'est une entente sincère, cordiale, entre l'Alle-
mague et l'Italie. »
A. son tour, le roi Victor-Emmanuel II sera un
exemple mémorable de la destinée que la Franc-
Maçonnerie réserve aux souverains qui se font
ses instruments. Victor-Emmanuel II mil à son
service le prestige et la gloire de sa dynastie, sa
diplomatie, son armée, son honneur et sa con-
science. Pour elle, il est allé au fond [Awlremo al
fo)id(t), au fond de la duplicité et de l'iniquité : il
a observé son programme de mensonge et d'hy-
pocrisie avec une telle fidélité et une telle con-
stance, qu'il à bon droit, mérité le surnom de
(ifthmt-IIomnu*. Il encouragea Garibaldi dans son
"'invasion, en 1807, du territoire pontifical ; et dans "
les actes officiels, notamment danslaproclamation
du 27 octobre 1807, il désapprouva et condamna
cette invasion comme un acte de rébellion et un
attentat contre la patrie II est démontré aujour-
"1. Entre autres choses, le Roi disait ; « Des troupes de volon-
taires excités et séduits par les manœuvres d'un parti, sans
mon autorisation ni celle de mon gouvernement, ont violé la
frontière de l'Etat... L'Europe sait que le drapeau arboré dans
ses terres voisines aux nôtres, sur lequel est écrit LA destruc-
tion de la suprême autorité spirituelle du Chef de la religion
catholique, n'est pas le mien. »
Le 2S juin 1882, la Chambre des députés d'Italie a déclaré
d'hui que Victor-Emmanuel II a été l'architecte
et l'agent le plus efficace de l'unité actuelle de
1
ritalic. Le Correspondant a établi que, de 1850
à 1870, il a tout fait pour réaliser les projets de
.Mazzini, avec une habileté si machiavélique, que
beaucoup de braves gens regardèrent son entre-
prise comme une affaire de pure organisation
politique, et nullement comme une affaire de dé-
sorganisation sociale. Victor-Emmanuel ne recula
devant aucun moyen : il ne recula ni devant les
subterfuges diplomatiques, ni devant des accords
"secrets avec les conspirateurs; il n'hésita pas à "
provoquer des soulèvements, à acheter des traî-
tres, à, employer la force contre les faibles, à con-
fisquer, contre tout droit et toute justice, les biens
ecclésiastiques, à réduire à la pauvreté extrême
les ordres religieux et le clergé, à frapper le Pape
dans ses moyens les plus eflicaces et dans les
personnes de ses plus zélés défenseurs. En fait
de mensonges et d'hypocrisie, il a surpassé Maz-
zini lui-même. Le vaillant journal VUnità Cattolica
établit, dans son numéro du 22 juin 1882, le pa-
dignes de la reconnaissance nationale ceux qui, en 1807, ont
marché sous ce drapeau et envahi le territoire pontifical. Après
cela, fait justement remarquer la Ciriltn Cattolica, si un assaut
était livré au Vatican avec le drapeau rouge du socialisme,
cette entreprise ne pourrait pas être blâmée, et elle serait
sanctionnée d'avance par la représentation nationale, qui ne
manquerait pas de déclarer un jour que de tels exploits sont
digues de la reconnaissance de la nation, N° 770, KJ juillet 1SS2.
1. Voir l'article : Un roi f*t un cotis/ùralrur, n<> du 10 décem-
bre 1881.
rallèle suivant entre Victor-Emmanuel etMazzini :
« Confrontons brièvement rentrée dans Rome de
Joseph Mazzini et de Victor-Emmanuel IL Maz-
zini avait toujours parlé de la nouvelle Rome,
capitale d'Italie, et de son dessein de la soustraire
à la domination du Pape. Viclor-iEmmanuel II
avait toujours reconnu qu'il n'y avait pas de pou-
"voir aussi légitime que celui des papes sur Rome ; "
il avait mémo offert à Pic IX son épée et sa vie
pour défendre ses droits temporels. Mazzini en-
7
trait dans Home, sans avoir jamais promis de n y
pas entrer, et encore moins de la défendre contre
ses envahisseurs. Victor-Emmanuel II v entrait,
après avoir déclaré au Pape qu'il voulait respecter
son siège, après avoir juré la convention italo-
françaiso, par laquelle il s'obligeait à ne pas
entrer à Homo par la violence et à ne permettre
à personne d'y entrer avec la force. Mazzini,
comme il le raconte lui-même, entrait dans Rome,
quand le Pape n'y était plus, quand Pie IX
l'avait abandonnée. Victor-Emmanuel Ily entrait,
en contraignant le Pape à vivre prisonnier au
Vatican. Mazzini entrait à Rome, quand déjà la
république y était proclamée, et il y entrait après
avoir été élu député à rassemblée constituante.
Victor-Emmanuel envoyait d'abord ses troupes
"à Rome ; et puis, c'est au milieu de ses soldats "
qu'avait lieu le plébiscite. Mazzini entrait dans
Rome, sans remuer une pierre. Victor-Emma-
nuel II y entrait après que les bombes et les
canons avaient ouvert la brèche de la porte Pie.
Mazzini entrait dans Rome, en se déclarant en-
nemi du Pape et de l'Église. Victor Emmanuel II
y entrait en se donnant l'air de défenseur de
l'Eglise et de l'indépendance du Pontife Romain.
En un mot, Mazzini était un démagogue, et néan-
moins il entrait dans Rome avec crainte et presque
en adorant. Victor-Emmanuel II était un roi, et lui-
même définissait la nature de son entrée dans
Rome par une parole à lui empruntée au dialecte
piémontais (balossada) »
Eh bien, malgré tant de services rendus à la
Franc-Maçonnerie, la secte rejettera sa dynastie
quand elle n'aura plus besoin d'elle. Déjà Gari-
baldi a canonisé le cuisinier Passanante, qui a
essayé d'assassiner le roi Ilumbert, et la mémoire
du roi Galant-Homme commence à être répudiée.
A Rimini et dans d'autres villes, où les conseils
municipaux et des sociétés avaient organisé des
manifestations en l'honneur de Garibaldi et de
Victor-Emmanuel, plusieurs sections de la Maçon-
nerie ont refusé d'y prendre part, disant que
Victor-Emmanuel n'avait été pour rien dans la
libération de l'Italie, et que l'action de Mazzini et
Tépée victorieuse de Garibaldi avaient tout fait.
Elles lui arrachent son titre de Galant-Homme*,
1. Ce mot signifie : scélératesse.
2. Voici la réponse qu'a faite à l'invitation Yassociatio?i ré-
putdicaine Parthénope : « Nous avons reçu aujourd'hui, 10 cou-
rant, l'invitation de Votre Seigneurie pour rendre hommage à
qu'il avait cependant si bien mérité de la Révo-
lution, et vont jusqu'à le calomnier, en l'accusant
d'avoir trahi son pero et les espérances de son
peuple. Pour la dynastie de Savoie commence à
s'exécuter le dessein que la Secte diabolique confie
comme le plus grand secret à la maîtresse par-
faite : « L'autorité monarchique dont nous affec-
tons dVlrc engoués, doit un jour tomber sous nos
coups, et ce jour n'est pas éloigné. En attendant,
nous la caressons pour arriver, sans entraves,
au complément final de notre mission sacrée, qui
est l'anéantissement de toute autorité religieuse
et monarchique. »
L'Autriche étant la puissance la plus imprégnée
des institutions catholiques, la Maçonnerie dé-
crète sa destruction et la création d'un rovaume
«s
polonais-madgyar. Un maçon de haut parage,
qui, en I8'i8, a étéproposé comme Grand Maître,
parce (pie, disait le proposant, il a tirs principes
avancés, guilest douéde qualités énergiques, etqiCà
Vexemple de son père Jérôme, il aime la Maçon-
nerie, le prince Napoléon, dans un discours
d'Ajaccio, de 180o, déroula son plan révolulion-
(ïaribalili et à un roi Galant-Homme. Nous avons honore et
"nous honorerons toujours le chevalier de l'humanité; nous ne "
pouvons cependant pas adhérer à la réunion convoquée par
Klle, parce t|ue nous ne sachons pas qu'il y ait jamais existé et
qu'il puisse jamais exister des rois (iata?its-Hontmrs. Le comte
cL sire de Maurienne, le. soldat de Torre Alalinihcrti, celui qui
définissait l'annexion de Rome une ùatossarfa, un notisappartienfc
pas. (l'est pourquoi, en vous remerciant, nous refusons l'iavi-
tatiou. Salut! »
naire et formula la haine implacable que la Maçon-
nerie a jurée à l'Empire catholique d'Autriche :
« L'heure est venue, dit-il, où le drapeau de la
Révolution doit être largement déployé. Quel est
le programme de cette Révolution? — C'est d'a-
bord la lutte engagée contre le catholicisme, lutte
"qu'il faut poursuivre et clore; — c'est la consti-"
tution des grandes unités nationales sur les débris
des Etats factices et des traités qui ont fondé ces
"États; — c'est la démocratie triomphante, ayant "
pour fondement le suffrage universel, mais qui
a besoin pendant un siècle d'être dirigée par les
"fortes mains des Césars ; c'est la France impé-"
"riale au sommet de cette situation européenne; "
«c'est une guerre, une longue guerre, comme con-
dition et instrument de cette politique.
« Yoilà le drapeau et le programme. Or, le
premier obstacle à vaincre, c'est l'Autriche.
« L'Autriche est le plus puissant appui de
Vinlluence catholique dans le monde... C'est le
repaire du catholicisme. Il faut donc l'abattre et Fé-
craser. La France impériale doit rester l'ennemie
"de l'Autriche; elle doit être l'amie et le soutien "
de la Prusse, la patrie du grand Luther, et qui
attaque l'Autriche par ses idées et par ses armes.
Elle doit soutenir l'Italie, qui est le centre de la
révolution dans le monde, en attendant que la
France le devienne, et qui a la mission de renver-
ser le catholicisme à Rome, comme la Prusse a mis-
sion de le détruire à Vienne. »
Pour détruire l'Autriche, la Franc-Maçonnerie
fomenta la guerre civile de 1848 et souleva la Hon-
"grie; mais les forces de la Russie firent échouer
la conspiration. La Secte résolut dès lors do faire
"expier a la Russie son intervention; l'un de ses
membres disait: « Nous ferons repentir la Russie
d'avoir fait la guerre contre nous en 1848, et si
nous pouvons la séparer de l'Autriche, nous fe-
rons passer ensuite celle-ci par où nous vou-
drons. » Ce résultat tant désiré, la Maçonnerie
l'obtint par la guerre de Crimée. Vnhnerston,
Napoléon IIL et Cavour lancèrent contre la Rus-
sie les forces de l'Angleterre, de la France et du
Piémont, et parvinrent à empêcher l'Autriche de
secourir la Russie. Alors s'effectua la séparation
des deux empires, et il devint facile à la Maçon-
nerie d'écraser l'Autriche et de la démembrer.
Un général prussien, délégué au couvent de la
Haute vente italienne, qui se tint à Locarno, les
23, 30 et 31 octobre 1872, confirme ces données.
« Bismark est à nous entièrement. Le jour où
nous le verrons titubant, nous lui retirerons noire
confiance. Il le sait très bien, il a fait une grosse
besogne et, quelque pressé qu'il soit, il lui faut
du temps. Pendant que la France, l'Italie, l'Es-
pagne, Joui le monde latin enfin sera dans les
convulsions d'une transformation sociale, il ac-
complira plus facilement, croit-il, les exécutions
souveraines qu'il a méditées, et portera le dernier
coup a l'empire d'Autriche. Cela fait, on verra
l'Allemagne entière acclamer la République et
envoyer promener le vieux Guillaume. »
Des indices non équivoques portent à croire
que M. Bismark ne veut plus continuer à faire
le jeu des Loges et qu'il essaye de s'affranchir de
leur joug de fer. Les Loges ont relevé le gant.
M. Bismark réussira-t-il, ou sera-t-il brisé et
mis au rebut comme un instrument désormais
inutile, ou bien encore se soumettra-t-il aux vo-
lontés de la Maçonnerie? L'avenir décidera cette
question. Cequ'ilya decertain, c'est que le terrible
Chancelier a affaire à forte partie, et s'il peut se
tirer sain et sauf des griffes delà Maçonnerie, il
pourra se flatter d'avoir remporté un succès bien
autrement difficile que l'écrasement de l'Autriche
l
et de la France .
Ainsi, cette guerre de Crimée, qui a coûté à
la France des milliards et des ilôts de sang, a été
"l'œuvre de la Maçonnerie ; elle a été le prélude "
de la guerre d'Italie, en 1859, et de la guerre
d'Allemagne, en 1866. Non, ce ne fut pas pour
les intérêts des chrétiens d'Orient, mais bien
pour ceux de la Secte, que périrent, dans cette
2
"guerre, près de huit cent mille hommes ; on "
\. Dans ce même couvent de 1S72, la Maçonnerie décida
qu'un gouvernement provisoire serait établi en France, sous la
dictature de M. Gumbctta. « Il nous est lié, affirmèrent les
principaux sectaires, par des engagements qu'il ne pourra ja-
mais rompre. »
"2. !>:j ,6i:> Français; 22,IS^ Anglais; 1291 Picmontais. 35.000 "
"Turcs; 630,000 llusses. Extrait de l'ouvrage du docteur Clicnu, "
publié en lNG.'i.
le vit bien dans le congrès de Paris de 1856.
César Cantu dit « qu'en a été donné à l'Eu-
rope le hideux spectacle de la chrétienlé prenant
"parti pour les Turcs contre les Grecs; et ce spec-"
tacle a été donné, non seulement par les souve-
rains mais encore par ceux qui se prétendent li-
béraux cl chefs de l'opinion. La plus absurde
des guerres modernes est celle de Crimée, et il
n'y a personne aujourd'hui qui n'en saisisse les
1
conséquences . »
L'intervention de la Maçonnerie dans nos élec-
tions a été si active,, surtout depuis 1876, qu'il
faudrait de parti pris fermer les yeux à la lumière,
pour ne. pas le reconnaître. Jamais elle n'a fait
mouvoir avec tant de vigueur et tant d'ensemble
"Je grand levier de la politique; aussi ses elforts "
ont été couronnés de succès, et elle est parvenue
li créer une majorité dans le parlement français.
La Chaîne d 'nion 'I s'est empressée de proclamer
avec joie la victoire de la Secte : « Nous consta-
"tons avec uni; réelle satisfaction que nous comp-"
tons, au nombre des sénateurs et des députés
élus, bon nombre de nos frères. Nous Jes avons
connus, pour la plupart, comme des francs-ma-
çons des plus actifs et des plus dévoués à notre
institution. » M. Oudet, élu, en 1877, Maire de Be-
sançon, Président du Conseil général et sénateur,
s'empressa de se rendre dans la Loge Sincérité,
Parfaite Union et Constante Amitié réunies, pour
reconnaître qu'il tenait d'elle sa triple investiture:
«Mes Frères, dit-il, je vous remercie de l'honneur
"que vous me faites aujourd'hui; il y a bien long-"
temps que je fais partie de votre respectable
Atelier.,- Depuis, grâce votre à concours, je suis
arrive à représenter successivement votre ville,
votre canton au Conseil général, et votre dépar-
tement au Sénat. Ce sont là bien des honneurs
"accumulés, et ce sont là aussi bien des charges; "
mais ce sera en même temps l'honneur de ma
vie, et cet honneur je le reporte tout entier à
votre société. »
Voici, d'ailleurs, le programme impératif de la
Maçonnerie pour toutes les élections politiques :
r
« Art. P . Un candidat maçon sera d'abord pro-
posé par la Loge, dans le ressort de laquelle se
-
fera l'élection, à l'adoption du G. . 0.'. pour être
-
ensuite imposé aux F. , de l'obédience.
« II. Dans l'élection, qu'elle soit nationale, pro-
vinciale, municipale, il n'importe, Fagréation du
-
«G.. 0.'. sera également nécessaire, également
réservée.
« III. Chaque maçon jurera d'employer toute
son influence pour faire réussir la candidature
adoptée.
u IV. L'élu de la Maçonnerie sera astreint à
faire en Loge une profession de foi, dont acte
sera dressé
( V, 11 sera invité à recourir aux lumières de
cette loge ou du G.*. O.*., dans les occurrences
graves qui peuvent se présenter pendant la du-
rée de son mandat.
« VI. L'inexécution de ces engagements l'expo-
sera h des peines sévères, même à l'exclusion de
l'ordre maçonnique. »
Ce programme a été ratifié par le Grand Orient,
dans une. délibération solennelle, où les colonnes
ont élé consultées :
« L'obligation prononcée parle maçon donne
à celui-ci un caractère indélébile. En promettant
de remplir ses obligations, le maçon aliène une
partie de la liberté absolue de ses actions...
« La Maçonnerie doit tenir les yeux ouverts
sur ses soldats. Sans cette sanction exercée par la
Maçonnerie sur ses membres livrés à la vie pu-
blique, le travail maçonnique serait stérile, le
dévouement de nos frères une duperie, et nos
espérances en l'avenir ne seraient que des chi-
mères...
« Par ces considérations principales, le G.'. O.*.
résout sans hésitation la question qui a été posée,
et il décide que non seulement les Loges ont le
droit, mais le devoir de surveiller les actes de la
vie publique de ceux de leurs membres qu'elles
ont fait entrer dans les fonctions publiques, le
devoir de demander des explications lorsqu'il pa-
raît qu'un ou plusieurs de ces actes ne tendent pas
à éclairer la société du flambeau de la vérité. Le
G.\ 0.\ pense qu'il faut être sévère et inexorable
envers ceux qui, rebelles aux avertissements,
poussent la félonie jusqu'à appuyer, dans la vie
politique, des actes que la Maçonnerie combat de
toutes ses forces comme contraires aux principes
sur lesquels il ne peut être permis de transiger... »
Tel est le programme arrêté et sanctionné parla
Maçonnerie belge, le 5 janvier 1855. Que tel soit
aussi le